Par Alex-Ann Lévesque, étudiante au baccalauréat en communication (relations publiques)
Il s’agit ici d’une lettre ouverte en regard à la situation de l’importance de la langue française en milieu professionnel*.
À la maternelle, j’ai appris à recréer la forme des lettres de l’alphabet, puis j’ai appris à écrire mon nom. En première année, j’ai appris à écrire plusieurs mots, à coller des lettres les unes à la suite des autres. Je devais suivre les lignes de mon cahier Canada, car c’était bien important de ne pas dépasser jusque dans les marges. Intéressant. Jamais je n’aurais cru étant enfant que cette consigne allait un jour représenter cette drôle de société dans laquelle je m’apprêtais à évoluer. Mais ça, on y reviendra dans un prochain billet. En deuxième année, on m’a appris à construire des petites phrases toutes simples. En troisième année, on me demandait d’écrire de plus longues phrases qui exigeaient de moi un peu plus de dextérité, mais ça allait. En quatrième année, on s’attendait à ce que je démontre ma compréhension de textes. Mes capacités cognitives étaient jugées en fonction des réponses que je livrais, par rapport à ce que je comprenais des lectures qui m’étaient imposées. Ça allait. Je réussissais l’exercice une fois de plus. En cinquième et sixième année, écrire devenait plus complexe, parce que les consignes étaient plus développées, mais toujours, j’accomplissais ce qui m’était demandé. Je me souviens, pendant quelques années de mon primaire, il y avait un club de lecture qui avait lieu à chaque début d’année. Il s’agissait du club de lecture La Livromagie. Le concept était simple, chacun de nous recevait un petit carnet dans lequel de nombreux livres étaient inscrits. Le but était d’en lire le plus possible durant l’année. Plus on avait de livres lus, plus on avait de chances de remporter un prix. Je me souviens que l’on valorisait la lecture, on valorisait l’écriture. On mettait l’accent sur la réussite par le biais de récompenses. Des autocollants aux activités privilèges, les options étaient là lorsqu’on était premier ou première de classe.
Dans les failles du système
À l’étape charnière où, dans la vie d’un enfant, on lui offre les outils pour qu’il puisse s’exprimer, il est important de valoriser l’art de rédiger et l’art de bien comprendre les mots. Il faut promouvoir le côté amusant de l’apprentissage. Je me souviens avoir vu certains camarades de classe devoir visiter l’orthopédagogue pour diverses raisons, divers troubles d’apprentissage. Il y a bien des années, alors que j’étais moi-même à l’école primaire, on isolait les jeunes qui éprouvaient des difficultés. On se concentrait davantage sur ceux et celles qui excellaient. Les autres, on les envoyait chez les spécialistes, puisqu’ils représentaient des cas particuliers. En tant que jeune, dans une classe remplie d’amis qui apprennent à un rythme plus rapide, ce doit être démotivant d’être considéré comme une personne différente. Fort heureusement, aujourd’hui, on tend à faire preuve d’un peu plus d’inclusion au sein des classes au primaire, dans plusieurs établissements scolaires. On développe différentes méthodes d’apprentissage, où on tente de faire ressortir les forces de chacun. Ça aurait été formidable d’établir ce genre d’acceptation sociale au sein même des classes, lorsque j’étais plus jeune, on aurait probablement pu éviter que de nombreux élèves trainent avec eux des difficultés avec la langue française, une fois rendus adultes. Le parcours scolaire est créé pour développer l’autonomie des jeunes, en ce sens où, plus ils vont gravir les échelons de ce parcours, moins ils seront encadrés. C’est normal jusqu’à un certain point, puisqu’ils vieillissent, cependant, c’est aussi de cette façon qu’on en laisse plusieurs derrière. Au départ, à l’école primaire, l’apprentissage est davantage axé sur les règles, les normes, c’est beaucoup d’encadrement. Dès le secondaire, les élèves qui étaient en difficulté au primaire se retrouvent moins encadrés. On leur dit qu’ils sont censés avoir acquis tout le bagage nécessaire pour attaquer le secondaire. Alors, de l’aide, ils n’en obtiennent que très peu. En éprouvant de grosses difficultés, ces mêmes élèves passent l’étape du secondaire, et s’ils ne sont pas trop découragés, ils accèdent au cégep, où c’est la goutte de trop faisant déborder le vase des difficultés. On leur demande de rédiger un texte de 1000 mots par exemple, alors qu’ils ne possèdent pas du tout les qualificatifs requis pour effectuer une telle demande, puisqu’ils partent de loin sur l’échelle des apprentissages. Malheureusement, une fois au cégep, les professeurs ne tiennent plus les étudiants par la main. C’est la réussite ou l’échec.
Un problème récurrent
En tant qu’étudiante universitaire, j’ai cru remarquer au fil du temps que plusieurs d’entre nous trainent de grosses difficultés en ce qui a trait à la rédaction et à la compréhension des règles de grammaire en général. Je me demande souvent comment ils ont fait pour gravir tous les échelons qui ont pu les mener jusqu’ici. Certains m’avouent avoir eu de l’aide pour la rédaction de leurs travaux, d’autres ont usé de tricherie, alors que certains ont tout simplement eu de la chance. À voir comment le système scolaire évolue, il est désormais possible de comprendre un peu mieux le résultat d’autant de négligence. Mais qu’en est-il des conséquences directes que ces problèmes auront sur la société de demain? Le milieu professionnel en sera largement affecté, c’est certain. Pour ma part, je crois sincèrement au fait que le milieu professionnel soit déjà grandement affecté par le manque d’aptitudes en français d’une majorité d’individus. Comment se fait-il qu’on ait pu laisser tomber autant de gens dans les failles du système scolaire? Ce n’est pas rendre service à une personne que de la laisser accéder à l’année scolaire suivante, alors qu’elle aurait plutôt grandement besoin de travail supplémentaire. Bien sûr, la faute n’est pas entièrement à mettre sur le dos du système scolaire, mais il est certain qu’il y a de petites incohérences dans l’entièreté de cette organisation. Plus les années avancent, moins on semble accorder d’importance à l’orthographe de manière générale. Ça a très certainement un lien avec l’utilisation d’autocorrecteurs, d’anglicismes et de tout ce qui a trait aux raccourcis de clavier. On se fit davantage sur nos logiciels de correction que sur nos propres intuitions et connaissances, au sujet de la langue française. La situation la plus déconcertante à laquelle j’ai pu assister, et à laquelle j’assiste encore aujourd’hui, c’est la négligence de la langue française au sein du corps professoral. Ce n’est pas rare de retrouver dans les PowerPoint, dans les plans de cours et même dans les examens, de nombreuses fautes d’orthographe. On nous répond un peu à la blague qu’il n’y a pas eu de relecture, que c’est l’assistant qui a rédigé le texte, et bien d’autres excuses de ce genre. Je suis consciente que des fautes d’inattention peuvent survenir, cependant, je me demande jusqu’à quel point on doit les tolérer. Et pourquoi est-ce autant accepté de nos jours? Selon moi, si on nous a repris sur les bancs d’école toutes ces années, on se doit de nous reprendre sur le marché du travail. Depuis quelques années, les professeurs semblent avoir mis le pied sur le frein tranquillement. C’est malheureux, puisque les erreurs seront reproduites par les étudiants qui absorbent ces informations. Ils suivent l’exemple de la personne au-devant de la classe. Si le professeur ne prend pas la peine de se corriger, s’il semble dédramatiser la situation, les élèves feront de même. Et, on peut désormais voir que c’est ce qui se transpose au sein des entreprises, où la langue française ne semble pas utilisée avec soin et où elle ne semble pas prise au sérieux. On préfère user d’expressions anglophones, puisque c’est parfois plus facile ainsi. C’est le langage des affaires, j’en conviens. Cependant, n’est-il pas inquiétant de constater que bien des travailleurs éprouvent de grandes difficultés à construire un texte qui se tient? La crédibilité du milieu professionnel s’en voit grandement touchée. Et, c’est sans parler du fait que de ça découlent des problèmes de compréhension en ce qui a trait aux messages que l’on souhaite véhiculer. Selon une étude menée par TextMaster[1], visant à illustrer le taux de fautes dans les courriels, « ce serait environ 90% des courriels envoyés par les entreprises à leurs clients qui contiendraient au moins une faute d’orthographe! » [2]. Ces données illustrent bien la gravité du problème.
Technologie, quand tu me guettes
Ce n’est plus un secret pour personne, l’arrivée massive des ordinateurs portables et des tablettes intelligentes dans nos vies partout est chose courante depuis des années. Ils sont désormais présents dans les écoles primaires et secondaires également. On trouve un côté ludique, un côté interactif à cet ajout multimédia dans l’apprentissage des jeunes. Cependant, est-ce que ça leur rend vraiment service? C’est une question à se poser et le débat en est corsé. L’instantanéité de la réceptivité des ordinateurs et des tablettes rend l’expérience rapide, mais elle ne permet pas d’assimiler l’information de manière efficace à mon avis. Rédiger un texte sur un ordinateur n’est pas la même expérience que de rédiger sur papier, à l’aide d’un stylo et d’une crampe de main qui l’accompagne. Le défi avec l’arrivée des nouvelles technologies d’aujourd’hui c’est qu’on n’obtient plus ce lien direct avec nos travaux, comme on avait l’habitude de l’avoir avant l’arrivée des nouvelles technologies. Il n’y a rien de plus impersonnel et froid qu’un écran. Après quelques minutes, tous les mots se ressemblent et la lecture de l’écran rend l’expérience pénible. C’est fini le temps où on pouvait choisir notre papier à lettres en fonction de notre humeur. On choisissait la couleur de nos stylos gel, en fonction du sujet sur lequel on écrivait. Ça, c’était toute une expérience. Ça me rappelle les fameux codes de couleurs que l’on nous apprenait à exercer sur nos textes. Lorsque l’on terminait la rédaction d’un texte, on devait repérer nos erreurs, puis tenter de les corriger à l’aide d’un code de couleurs bien précis, et de nos surligneurs. Une méthode efficace qui, à force d’être répétée, est restée gravée dans ma mémoire pour la vie. Chose qu’on ne fait désormais plus sur les ordinateurs, puisque les correcteurs s’en chargent pour nous. Ce peut être bénéfique dans plusieurs situations, j’en conviens. Cependant, notre muscle ravisseur se voit atrophié, par manque d’exercice.
Pour l’amour du français
Mon but n’est certainement pas d’effrayer qui que ce soit avec mes états d’âme. J’aimerais plutôt que ce texte en fasse réfléchir plus d’un. Vous savez, je suis de celles et ceux qui prônent les vertus d’un bon usage de la langue française. J’ai tendance à casser les oreilles de mes proches avec les règles grammaticales. J’ai l’œil aiguisé lorsqu’il faut repérer des fautes d’orthographe. J’adore ça! Cependant, je peux comprendre que ça ne puisse pas être la tasse de thé de tout le monde. J’ai de la chance, j’ai énormément de facilité en français, j’adore lire et écrire. Par contre, pour une personne ayant toujours eu des difficultés d’apprentissage reliées à l’écriture et à la lecture, ce n’est pas la même chose, elle n’a pas le même rapport à la langue, que celui que j’ai avec cette dernière par exemple. La seule chose que j’aimerais dire pour conclure, c’est de vous rattacher à quelque chose de positif. C’est possible de développer ses capacités rédactionnelles. C’est possible d’apprendre tout en s’amusant. L’important est de se donner la chance de le faire, et surtout d’aller chercher les ressources et les outils nécessaires.
Quelle belle réflexion sur les failles du système tout en considérant l’avenue des outils technologiques
En terminant sur une note positive, on donne de l’espoir aux lecteurs : il est donc possible de prendre goût à l’apprentissage du français .
Bravo pour ton texte